La société humaine peut être considérée en deux manières. Ou en tant qu'elle embrasse tout le genre humain, comme une grande famille. Ou en tant qu'elle se réunit en nations; ou en peuples composés de plusieurs familles particulières, qui ont chacune leurs droits. La société considérée de ce dernier sens, s'appelle société civile. On la peut définir [...] société d'hommes unis ensemble sous le même gouvernement et sous les mêmes lois.
BOSSUET - Politique tirée de l'Écriture, I, vi, iii, Conclusion.
Lorsqu'on voit les peuplades qui erraient commencer à se fixer, ce changement doit être moins regardé comme les premiers temps des sociétés civiles que comme les derniers de la vie errante [...]
ÉTIENNE BONNOT DE CONDILLAC - Histoire ancienne, i, 14.
Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire: «Ceci est à moi» et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile.
JEAN-JACQUES ROUSSEAU - De l'inégalité parmi les hommes, i
Le repentir de ses fautes peut seul tenir lieu d'innocence. Pour paraître s'en repentir il faut commencer par les avouer. La confession est donc presque aussi ancienne que la société civile.
VOLTAIRE - Dict. philosophique, Confession, xxvi.
Les associations formées en vue d'un but lucratif s'appellent dans la langue du droit, les sociétés civiles ou commerciales [...]
LOUIS DUGUIT - Traité de droit constitutionnel, p. 617
[...] il y a beau temps que le roman a mis en scène des personnages d'homosexuels, et si l'homosexuel n'a pas encore droit de cité dans la société civile, dans la société romanesque c'est chose faite.
MICHEL TOURNIER - Le Vent Paraclet, p. 256
Parmi les objets nouveaux qui, pendant mon séjour aux États-Unis, ont attiré mon attention, aucun n'a plus vivement frappé mes regards que l'égalité des conditions. Je découvris sans peine l'influence prodigieuse qu'exerce ce premier fait sur la marche de la société; il donne à l'esprit public une certaine direction, un certain tour aux lois; aux gouvernants des maximes nouvelles, et des habitudes particulières aux gouvernés.
Bientôt je reconnus que ce même fait étend son influence fort au-delà des mœurs politiques et des lois, et qu'il n'obtient pas moins d'empire sur la société civile que sur le gouvernement: il crée des opinions, fait naître des sentiments, suggère des usages et modifie tout ce qu'il ne produit pas.
[…] Mon but était de peindre dans une seconde partie l'influence qu'exercent en Amérique l'égalité des conditions et le gouvernement de la démocratie sur la société civile, sur les habitudes, les idées et les mœurs; mais je commence à me sentir moins d'ardeur pour l'accomplissement de ce dessein.
ALEXIS DE TOQUEVILLE - De la démocratie en Amérique I (1835) Introduction.
La liberté de la presse ne fait pas seulement sentir son pouvoir sur les opinions politiques, mais encore sur toutes les opinions des hommes. Elle ne modifie pas seulement les lois, mais les mœurs. Dans une autre partie de cet ouvrage, je chercherai à déterminer le degré d'influence qu'a exercée la liberté de la presse sur la société civile aux États-Unis; je tâcherai de discerner la direction qu'elle a donnée aux idées, les habitudes qu'elle a fait prendre à l'esprit et aux sentiments des Américains. En ce moment, je ne veux examiner que les effets produits par la liberté de la presse dans le monde politique.
ALEXIS DE TOQUEVILLE - De la démocratie en Amérique I (Deuxième partie) Introduction.
Cette agitation sans cesse renaissante, que le gouvernement de la démocratie a introduite dans le monde politique, passe ensuite dans la société civile. Je ne sais si, à tout prendre, ce n'est pas là le plus grand avantage du gouvernement démocratique, et je le loue bien plus à cause de ce qu'il fait faire que de ce qu'il fait.
ALEXIS DE TOQUEVILLE - De la démocratie en Amérique I (Deuxième partie) – p. 83
Aux États-Unis, le dogme de la souveraineté du peuple n'est point une doctrine isolée qui ne tienne ni aux habitudes, ni à l'ensemble des idées dominantes; on peut, au contraire, l'envisager comme le dernier anneau d'une chaîne d'opinions qui enveloppe le monde anglo-américain tout entier. La Providence a donné à chaque individu, quel qu'il soit, le degré de raison nécessaire pour qu'il puisse se diriger lui-même dans les choses qui l'intéressent exclusivement. Telle est la grande maxime sur laquelle, aux États-Unis, repose la société civile et politique: le père de famille en fait l'application a ses enfants, le maître à ses serviteurs, la commune à ses administrés, la province aux communes, l'État aux provinces, l'Union aux États. Étendue à l'ensemble de la nation, elle devient le dogme de la souveraineté du Peuple.
ALEXIS DE TOQUEVILLE - De la démocratie en Amérique I (Deuxième partie) – p.238