Il faut pourtant rendre justice aux Français; ils ne s’épuisent point tant qu’on dit en protestations, et celles qu’ils font sont presque toujours sincères; mais ils ont une manière de paraître s’intéresser à vous qui trompe plus que les paroles. [...]; on croirait qu’ils ne vous disent pas tout ce qu’ils veulent faire, pour vous surprendre plus agréablement. Je dirai plus; ils ne sont point faux dans leurs démonstrations; ils sont naturellement officieux, humains, bienveillants, et même, quoi qu’on en dise, plus vrais qu’aucune autre nation; mais ils sont légers et volages. Ils ont en effet le sentiment qu’ils vous témoignent, mais ce sentiment s’en va comme il est venu. En vous parlant, ils sont pleins de vous; ne vous voient-ils plus ils vous oublient. Rien n’est permanent dans leur cœur: tout est chez eux l’œuvre du moment.
JEAN-JACQUES ROUSSEAU - Les Confessions, Livre quatrième p. 197
[...] notre habitude de traiter sérieusement les choses les plus futiles, et de tourner les plus importantes en plaisanterie [...]
JEAN LE ROND D'ALEMBERT - Éloge de Montesquieu, Œ., t. III, p. 442
Il avait toujours eu l'esprit gouailleur, cette tendance française qui mêle une apparence d'ironie aux sentiments les plus sérieux [...]
GUY DE MAUPASSANT – Fort comme la mort – p. 42
«Eh bien, si c'était chez Gilbert, c'est probablement un de vos ancêtres», dit Swann avec un mélange d'ironie et de déférence envers une grandeur qu'il eût trouvé impoli et ridicule de méconnaître, mais dont il ne voulait par bon goût parler qu'en «se jouant».
MARCEL PROUST – Le côté de Guermantes – Tome deuxième – p. 347
Ce que je reproche aux journaux c'est de nous faire faire attention tous les jours à des choses insignifiantes tandis que nous lisons trois ou quatre fois dans notre vie les livres où il y a des choses essentielles. Du moment que nous déchirons fiévreusement chaque matin la bande du journal, moi je ne sais pas, les... Pensées de Pascal! (il détacha ce mot d'un ton d'emphase ironique pour ne pas avoir l'air pédant). [...] Mais regrettant de s'être laissé allé à parler même légèrement de choses sérieuses: «Nous avons une bien belle conversation, dit-il ironiquement, je ne sais pas pourquoi nous abordons ces "sommets"» [...]
MARCEL PROUST – Du côté de chez Swann – p. 25-26
On ne pouvait pas remercier mon père; on l'eût agacé par ce qu'il appelait des sensibleries.
(Meinem Vater danken kam nicht in Frage; er hätte sich dann über das geägert, was er als Getue bezeichnete.)
MARCEL PROUST – Du côté de chez Swann – p. 36
Il faut, parmi le monde, une vertu traitable;
À force de sagesse, on peut être blamable;
La parfaite raison fuit toute extrémité,
Et veut que l’on soit sage avec sobriété.
MOLIÉRE – Le Misanthrope – Acte I, Scène 1 – p. p.20
Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou, par un autre tour de folie, de n’être pas fou.
BLAISE PASCAL – Pensée 414 p. 173 (paru en 1662)
Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit.
FRANÇOIS DE LA ROCHEFOUCAULD – Maxime n°209 p. 77
L'esprit de conversation est un esprit particulier, qui consiste dans des raisonnements et des déraisonnements courts.
MONTESQUIEU - Cahiers, x
Die Griechen sind im allem ihrem Denken unbeschreiblich logisch und schlicht; sie sind dessen, wenigstens für ihre lange gute Zeit, nicht überdrüssig geworden, wie die Franzosen es so häufig werden: welche gar zu gerne einen kleinen Sprung in’s Gegentheil machen und den Geist der Logik eigentlich nur vertragen, wenn er durch eine Menge solcher kleiner Sprünge in’s Gegentheil seine gesellige Artigkeit, seine gesellige Selbstverleugnung verräth. Logik erscheint ihnen als notwendig, wie Brod und Wasser, aber auch gleich diesen als eine Art Gefangenenkost, sobald sie rein und allein genossen werden sollen. In der guten Gesellschaft muss man niemals vollständig und allein recht haben wollen, wie es alle reine Logik will: daher die kleine Dosis Unvernunft in allem französischen esprit.
(Les Grecs ont toujours fait preuve dans leur raisonnement d’une logique et d’une netteté impeccables; et ils ne s’en sont, du moins pendant tout le temps de leur meilleure époque, jamais lassés; à l’inverse de tant de Français, lesquels adorent faire de temps à autre un bond de l’autre côté et ne supportent dans le fond le raisonnement logique que pour autant qu’il fait montre, par une foule de petits écarts de ce genre, de courtoisie et d’abnégation envers autrui. La logique paraît aux Français certes aussi indispensable que le pain et l’eau, mais comme le pain et l’eau, elle leur semble aussi n’être qu’un repas de prisonnier, dès qu’elle devient le seul aliment autorisé. Le bon usage en société interdit que l’on ait seul et entièrement raison comme le veut la logique pure : d’où la petite dose de déraison qu’accuse toujours l’esprit français.)
FRIEDRICH NIETZSCHE - Die fröhliche Wissenschaft 82 (Der esprit ungriechisch) p. 437-438
Aussi moy, je voy, mieux que tout autre, que ce ne sont icy que resveries d'homme qui n'a gousté des sciences que la crouste premiere, en son enfance, et n'en a retenu qu'un general et informe visage: un peu de chaque chose, et rien du tout, à la Françoise.
MICHEL MONTAIGNE – Essais – Livre premier – Chapitre XXVI – De l'institution des enfans p. 193
Si quelqu'un me demandait en quoi consiste l'honnêteté, je dirais que ce n'est autre chose que d'exceller en tout ce qui regarde les agréments et les bienséances de la vie.
ANTOINE GOMBAUD DE MÉRÈ (1607-1684) Méré, cité in Pascal, Petite éd. Brunschvicg, p. 116
La galanterie de l'esprit est de dire des choses flatteuses d'une manière agréable.
FRANÇOIS DE LA ROCHEFOUCAULD - Maximes, 100
Le vrai honnête homme est celui qui ne se pique de rien.
FRANÇOIS DE LA ROCHEFOUCAULD – Maxime 203
Un honnête homme se paye par ses mains de l'application qu'il a à son devoir par le plaisir qu'il sent à le faire, et se désintéresse sur les éloges, l'estime et la reconnaissance qui lui manquent quelquefois.
JEAN DE LA BRUYÈRE - Les Caractères, ii, 15
Il faut empêcher les enfants de contrefaire les gens ridicules; car ces manières moqueuses et comédiennes ont quelque chose de bas et de contraire aux sentiments honnêtes.
FÉNELON - xvii, 18
Ils avouent de bon cœur que les autres peuples sont plus sages, pourvu qu’on convienne qu’ils sont mieux vêtus.
MONTESQUIEU – Lettres Persanes – 100 (p. 140)
Il joint à l'amabilité à laquelle nos Français prétendent à tort ou à droit, une maturité de raison à laquelle malheureusement ils ne prétendent pas.
JEAN LE ROND D'ALEMBERT - Lettre au roi de Prusse, 15 sept. 1775
À voir les ménagements dont j’usais, on m’aurait cru faux. On se fût trompé ; je n’étais qu’honnête, cela est certain. [...] La bonté avec laquelle un homme nous traite nous attache à lui: ce n’est pas pour l’abuser qu’on lui cède, c’est pour ne pas l’attrister, pour ne pas lui rendre le mal pour le bien.
JEAN-JACQUES ROUSSEAU - Les Confessions, Livre second p. 84
[...] l'honnête homme ou le galant homme; deux expressions qui ne sont point synonymes: galant homme a quelque chose de plus aimable, honnête homme quelque chose de plus solide, mais qui expriment l'une et l'autre l'idéal du chevalier de Méré[...] L'honnête homme est à sa place partout; il s'acquitte de tout avec une supériorité qui n'a rien de technique et de contraint, qui est toujours naturelle et aisée; rien en lui ne sent le métier: métier et honnêteté sont choses incompatibles et contradictoires; il ne faut pas même «affecter d'être honnête homme: car ce serait en faire une espèce de métier ».
LÉON BRUNSCHVICQ - Notice, in Pensées et opuscules de Pascal, éd. Hachette, p. 116.
Ueberall, wo es einen Hof gab, hat er das Gesetz des Gut-Sprechens und damit auch das Gesetz des Stils für alle Schreibenden gegeben. Die höfische Sprache ist aber die Sprache des Höflings, der kein Fach hat und der sich selbst in Gesprächen über wissenschaftliche Dinge alle bequemen technischen Ausdrücke verbietet, weil sie nach dem Fache schmecken, desshalb ist der technische Ausdruck und Alles, was den Spezialisten verräth, in den Ländern einer höfischen Cultur ein Flecken des Stils.
FRIEDRICH NIETZSCHE – Die fröhliche Wissenschaft - §101 (Voltaire) p. 458
Die Deutschen, mit ihrer Ehrfurcht vor Allem, was vom Hofe kam, haben sich geflissentlich die Kanzleien zum Muster genommen, in Allem, was sie zu schreiben hatten, also namentlich in ihren Briefen, Urkunden, Testamenten und so weiter. Kanzleimässig schreiben, das war hof- und regierungsmässig schreiben, - das war etwas Vornehmes, gegen das Deutsch der Stadt gehalten, in der man gerade lebte. Allmählich zog man den Schluss und sprach auch so, wie man schrieb, [...]
[...]
Nun bemerke ich, dass jetzt wieder unter den ehemaligen Bewunderern der Kanzleien ein ähnlicher Drang nach Vornehmheit des Klanges um sich greift, und dass die Deutschen einem ganz absonderlichen „Klangzauber“ sich zu fügen anfangen, der auf die Dauer eine wirkliche Gefahr für die deutsche Sprache werden könnte, - denn abscheulichere Klänge sucht man in Europa vergebens. Etwas Höhnisches, Kaltes, Gleichgültiges, Nachlässiges in der Stimme: das klingt jetzt den Deutschen „vornehm“ – und ich höre den guten Willen zu dieser Vornehmheit in den Stimmen der jungen Beamten, Lehrer, Frauen, Kaufleute; ja die kleinen Mädchen machen schon dieses Offizierdeutsch nach. Denn der Offizier, und zwar der preussischer, ist der Erfinder dieser Klänge [...]
Man gebe Acht auf die Commandorufe, von denen die deutschen Städte förmlich umbrüllt werden, jetzt wo man vor allen Thoren exerciert: welche Anmaassung, welches wüthendes Autoritätsgefühl, welche höhnische Kälte klingt aus diesem Gebrüll heraus! Sollten die Deutschen wirklich ein musicalisches Volk sein?
(Les Allemands portaient une telle vénération à tout ce qui venait de la cour que, dès qu’il s’agissait d’écrire quelque chose, que ce fussent des lettres, des actes, des testaments ou quelque autre document, ils s’empressaient de prendre pour modèle la chancellerie. Écrire dans le style de la chancellerie, c’était écrire en conformité avec la cour et dans les bonnes règles, c’était employer la langue distinguée, par opposition à celle de la ville quelle qu’elle fût, où on vivait.
La moquerie méprisante, la froideur condescendante, l’indifférence hautaine, le détachement affecté/ feint, le désintérêt dédaigneux: voilà ce qui aujourd’hui sonne «distingué» aux oreilles allemandes !)
FRIEDRICH NIETZSCHE - Die fröhliche Wissenschaft – 104 – Vom Klange der deutschen Sprache p. 460
Un entretien aimable, alors même qu'il porte sur des riens, et que la grâce seule des expressions en fait le charme, cause encore beaucoup de plaisir; on peut l'affirmer sans impertinence, les Français sont presque seuls capables de ce genre d'entretien. C'est un exercice dangereux, mais piquant, dans lequel il faut se jouer de tous les sujets comme d'une balle lancée qui doit revenir à temps dans la main du joueurs.
MADAME DE STAËL – De l’Allemagne (IX, p. 94)
L'esprit allemand s'accorde beaucoup moins que tout autre avec cette frivolité calculée, il est presque nul à la superficie; il a besoin d'approfondir pour comprendre; il ne saisit rien au vol […]
MADAME DE STAËL – De l’Allemagne (IX, p. 94)